GAULLISTES

L’inspiration gaulliste revendiquée par le FN irrite au sein de l’UMP

Cet article a été publié sur ce site : http://www.gaullisme.net/archive/2013/12/18/front-national-fn-gaullisme.html

FN Forbach« Le FN est un parti gaulliste », a déclaré Florian Philippot, vice-président du FN, qui a décidé d’utiliser une croix de Lorraine entrelacée avec le logo du FN pour sa campagne électorale à Forbach (Moselle), en région Lorraine. « On a le droit d’être gaulliste au FN, mais le FN n’est pas un parti gaulliste, c’est un parti qui partage la vision gaullienne de la France, c’est-à-dire une France souveraine », a rectifié Marine Le Pen. Quoi qu’il en soit, ces propos et cette utilisation ont choqué des membres de l’UMP, comme l’ancien séguiniste Henri Guaino ou le président de l’Union des jeunes pour le progrès, Rudolph Granier.

 

Qu’est-ce qui éloigne le FN du gaullisme ?

Se revendiquer du gaullisme au sein du Front national est paradoxal au regard de ses racines historiques. Toutes les générations de l’extrême droite antigaulliste étaient en effet représentées dans ses deux bureaux politiques fondateurs, de six membres, en 1972 et 1973. Celle des collaborateurs durant la Seconde Guerre mondiale (François Brigneau, Pierre Bousquet, Victor Barthélémy) comme celle des partisans de l’Algérie française (Roger Holeindre ou les anciens poujadistes Jean-Marie Le Pen et Dominique Chaboche).

Depuis, les générations ont passé et Marine Le Pen a exclu les nostalgiques du pétainisme de son parti. Pourtant Louis Aliot, vice-président du FN, n’hésite pas aujourd’hui encore à rendre hommage à Jean-Marie Bastien-Thiry, exécuté après avoir tenté d’assassiner en 1961 et 1962, en raison de sa politique algérienne, le général de Gaulle.

Dans une tribune publiée mardi 17 décembre par Le Monde, le député UMP Henri Guaino estime par ailleurs que ceux qui se réclament du gaullisme au FN « ne veulent pas voir le danger qu’il y a à se tenir sur l’étroite ligne de crête qui sépare le refus du renoncement de la volonté de puissance, le sentiment national du nationalisme, l’amour des siens du rejet des autres, la fermeté de la dureté, alors qu’ils sont entraînés malgré eux du mauvais côté de la pente par la force d’une politique qui nie la complexité morale à laquelle se trouve confrontée toute conscience humaine sur laquelle pèse la responsabilité du pouvoir ».

Enfin, une proposition du FN est aux antipodes du gaullisme: l’adoption du mode de scrutin proportionnel aux élections législatives, alors que le général de Gaulle n’a cessé de s’opposer au « régime des partis » de la IVe République.

Rien ne permet non plus de dire que Charles de Gaulle aurait approuvé les spécificités les plus controversées du projet lepéniste, en particulier la préférence nationale et l’abrogation du droit du sol.

 

Qu’est-ce qui rapproche le FN du gaullisme ?

Sans qu’il en ait le monopole, plusieurs points du programme du FN vont dans le sens du gaullisme. C’est le cas du retour au septennat ou de l’usage du référendum, même si le général de Gaulle n’est jamais allé jusqu’à l’avènement de la « République référendaire » prônée par Marine Le Pen. C’est également le cas de la proposition d' »assurer une meilleure participation de chacun aux fruits de l’entreprise » à travers « l’instauration d’une réserve légale de titres, qui est un moyen de reconnaître au personnel une part de propriété dans l’entreprise ».

Sur d’autres thématiques, il est en revanche difficile de trancher.

L' »État stratège » dorénavant défendu par le FN correspond, certes, à l’interventionnisme industriel du gaullisme. Mais aux prémices de la Ve République, le général de Gaulle avait provisoirement soutenu une politique de rigueur (le plan Pinay-Rueff), afin de redresser les comptes publics. Or, si Marine Le Pen rejette une telle orientation, nul ne sait ce qu’il aurait actuellement voulu, dans le contexte inédit de la zone euro.

C’est justement dans le domaine international que les positions sont les plus contradictoires entre ceux qui se revendiquent de ses idées. Une chose est certaine: au nom de l’indépendance nationale, Charles de Gaulle a sorti la France du commandement intégré de l’Otan, malgré le contexte de la guerre froide, et s’est opposé à l’ensemble des traités européens, de la CECA (1951) au traité de Rome (1957). On peut donc raisonnablement penser qu’il aurait fait de même avec les textes suivants, bien plus supranationaux donc davantage opposés à ses vues. Bref, il aurait certainement pesé pour le « non » aux référendums de 1992 (traité de Maastricht) et de 2005 (traité constitutionnel européen).

Pour autant, en arrivant au pouvoir en 1958, le général de Gaulle n’a pas sorti la France de la toute nouvelle Communauté économique européenne. Dès lors, envisagerait-il aujourd’hui, comme le FN, une sortie de l’Union européenne ? Question qui restera éternellement sans réponse.

 

Laurent de Boissieu
La Croix, 18/12/2013 (version plus longue que celle publiée dans La Croix)

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