Des clins d’œil à son « ami » François Baroin, hôte de l’étape en tant que maire (LR) de Troyes, et des coups de griffe au Rassemblement national : ainsi avance Eric Dupond-Moretti ce jeudi matin sur le chantier de la future prison de Lavau (Aube). Le ministre de la Justice est venu voir in situ la concrétisation du plan « 15 000 nouvelles places de prison », lancé en 2018 et destiné à pallier la surpopulation carcérale. La future maison d’arrêt de Lavau (472 places) devrait être livrée à l’été 2023. Les travaux « avancent bien », affirment les responsables du chantier de 30 000 mètres carrés pour un montant de 92 millions, dirigé par Bouygues. Le garde des Sceaux a deux messages à faire passer. D’abord, le sujet des terrains à trouver pour ces établissements pénitentiaires. Pour le plan 15 000, la question du foncier est réglée, « non sans mal », assure Eric Dupond-Moretti qui étrille « ces élus qui crient au loup et réclament toujours plus de sécurité mais ne m’ont fait aucune proposition pour construire une prison ». Le RN est évidemment dans le collimateur. Cellules « Lego ». Or, selon François Baroin et Jacques Gachowski, maire de Lavau (1 200 habitants), « la pédagogie » permet d’aplanir beaucoup de difficultés et de surmonter les réticences de la population. Une prison sur un territoire, selon cet argumentaire, c’est aussi des emplois induits, davantage de sécurité (présence des forces de l’ordre, patrouilles) et, contrairement aux idées reçues, pas d’incidence négative sur les prix de l’immobilier local. Côté construction, les architectes vantent aussi une prison « nouvelle génération », conçue pour « apaiser la vie en détention » et « améliorer les conditions de travail du personnel ». Des bâtiments volontairement bas, de deux étages, des cellules aux fenêtres tournées vers l’intérieur, un mur d’enceinte et « un glacis » pour empêcher que des objets soient jetés aux détenus depuis l’extérieur sont en train de sortir de terre. Les cellules elles-mêmes, de 8,5 mètres carrés avec coin douche-WC, ont été préfabriquées à l’extérieur puis posées en bloc, telles des Lego, au moyen d’une grue. « Une première », assure l’architecte en chef de Bouygues. Solution qui réduit le bilan carbone même si la sénatrice de l’Aube Evelyne Perrot (Union centriste) regrette que les immenses toitures n’aient en revanche pas été couvertes de panneaux solaires. Trop cher et compliqué en termes de sécurité car nécessitant des interventions d’entretien, répond-on, en substance, côté chantier. La visite des futurs ateliers donne au ministre l’occasion de rappeler son « contrat du détenu travailleur » qui vient d’entrer en vigueur (payé la moitié du Smic). Le travail en prison, « clé contre la récidive », nécessite d’« aller chercher les patrons un par un », insiste-t-il. « Oui, je suis aussi le ministre des détenus et ce n’est pas anormal pour le garde des Sceaux », affirme encore Eric Dupond-Moretti, ravi de cette réponse au RN. Aux accusations sur une « justice laxiste », il oppose le durcissement des condamnations prononcées. Et sa propre réforme supprimant l’automaticité des remises de peines qui entrera en vigueur en 2023.